La crise sanitaire a profondément bousculé les habitudes de consommation. Quel que soit le type de bien ou de service, les consommateurs recherchent désormais l’instantanéité, mais aussi une dimension humaine. Le secteur de la Banque et de l’Assurance n’est pas épargné par cette tendance. Bien au contraire, c’est même devenu un enjeu clé pour se différencier sur le marché.
Pour s’interroger sur les nouveaux défis du secteur, lesBigBoss ont organisé une conférence, animée par le journaliste Michel Picot. Il donne la réplique à Lydie Hippon-Darde, Global Head of New models and Strategic Marketing & Innovation chez Allianz Partners. Elle tente de nous éclairer sur les nouveaux défis du secteur Banque & Assurance et la manière dont ils peuvent être surmontés.
“Penser les nouveaux modèles c’est avoir un coup d’avance, sans s’éloigner de notre cœur business.”
Lydie Hippon-Darde, Global Head of New models and Strategic Marketing & Innovation chez Allianz Partners
Comment les banques et les assurances, telles que Allianz, font-elles face aux évolutions rapides des technologies et habitudes de consommation ? Pour la Global Head of New models and Strategic Marketing & Innovation d’Allianz Partners, il faut profiter de l’évolution rapide des technologies pour proposer aux clients, non pas de nouveaux produits, mais plutôt des solutions qui leur permettront de profiter de tous les services disponibles. En effet, les attentes des consommateurs ont changé : ils veulent désormais de l’instantanéité, de la flexibilité, et une dimension humaine. Lydie Hippon-Darde parle de digitalisation avec “human touch”. A travers la digitalisation, les banques et les assurances répondent aux besoins du client de se sentir libre de ses actions et d’avoir un pouvoir de décision. C’est le propre des néobanques et néoassurances. Seulement, le client a également besoin de savoir qu’une relation avec un banquier/assureur est possible s’il le souhaite. Ainsi, si l’assurance traditionnelle se concentrait sur la couverture des risques, l’assurance de demain doit plutôt chercher à répondre aux besoins des consommateurs. La part assurantielle diminue au profit de la part servicielle. L’enjeu dorénavant pour le secteur Banque & Assurance est d’accompagner les clients dans les services, avec une “human touch”, sans s’éloigner pour autant de leur cœur de métier.
“L’enjeu de toutes ces données est de toucher le client au bon moment, puisque le client est devenu allergique à l’intrusion.”
Lydie Hippon-Darde, Global Head of New models and Strategic Marketing & Innovation chez Allianz Partners
Le client veut être contacté lorsqu’il en a besoin uniquement. De ce fait, les banques et les assurances font face à un nouvel enjeu : toucher le client au bon moment. En réponse à ce nouveau défi, les entreprises doivent apprendre à exploiter et utiliser les données clients. Allianz a, par exemple, mis en place son propre customer lab, une base de données avec plus de 25 millions de données clients, répartis sur une trentaine de pays. Elle permet de réunir et d’exploiter au mieux les données comportementales des clients, récoltées via un questionnaire annuel, ainsi que les données concernant leurs attentes et leur appétit à acheter un produit bancaire ou encore un service. Une fois agrégées, ces données permettent à Allianz de mieux comprendre les besoins de leurs clients. L’entreprise a alors tout intérêt à ne plus penser “produits”, mais plutôt à être tournée “solutions”. En marketing, on parle de push to pull : on ne cherche plus seulement à pousser un produit vers un consommateur ciblé, mais plutôt à créer une solution à partir d’un besoin ou d’une attente des consommateurs. Parler de solutions revient ainsi à rechercher l’amélioration des customer journeys, en identifiant tous les micro-moments dans la relation client où il est pertinent de toucher le client.
Pour Lydie Hippon-Darde, “le client, qui échange des données avec vous, s’attend à une forme de personnalisation. On peut même dire de super-personnalisation.” Prenons le cas de BackMarket : lorsque le client achète sur la marketplace un téléphone reconditionné, il reçoit un mail personnalisé avec son prénom, affirmant que c’est un plaisir de l’avoir pour client. Les banquiers et assureurs n’en sont pas à ce niveau de proximité avec leurs clients puisqu’il y a une communication institutionnelle à respecter. Néanmoins, “la banque et l’assurance de demain doivent trouver un équilibre pour que le client comprenne qu’elles le connaissent et pour lui offrir la tranquillité d’esprit et la simplicité qu’il recherche”.
Si l’exploitation des données clients permet bel et bien de savoir si la solution déployée répond à un besoin précis, elle ne permet cependant pas de se différencier face à la concurrence. Notre intervenante parle alors de l’importance de l’auto-disruption, c’est-à-dire la capacité à chercher des idées pour créer des solutions qui n’existent pas. Autrement dit, il est essentiel pour les entreprises de ne plus construire son core business précis, mais plutôt de chercher au-delà, de conduire des innovations de rupture. A titre d’exemple, l’enjeu pour Allianz n’est plus de vendre une assurance voyage dans le parcours client, puisque ces derniers n’ont pas véritablement le choix d’être couverts pour voyager, mais plutôt de se positionner pour créer un nouveau besoin. La question est alors de savoir comment attirer des clients à partir d’un nouveau besoin. Pour l’assurance n°1 en Europe, la solution est de développer une approche freemium. Selon Lydie Hippon-Darde, “c’est l’enjeu de la plateformisation de demain pour les banquiers et les assureurs”. “Quelles conditions pour voyager dans ce pays ? Les restaurants y sont-ils ouverts ?...” : les clients se posent ces questions depuis le début de la crise sanitaire. L’enjeu pour l’assurance n’est pas d’y répondre, mais plutôt de permettre aux consommateurs, via une plateforme dédiée, de trouver toutes les réponses au même endroit. Cette approche freemium n’a pas pour objectif d’apporter un bénéfice direct, mais plutôt de changer la relation client/assureur et de construire des relations clients sur le long terme.
“Les banquiers et les assureurs sont très challengés par les clients pour construire ces relations de long terme. Cette relation de long terme reste humaine, et pas juste technologique.”
Lydie Hippon-Darde, Global Head of New models and Strategic Marketing & Innovation chez Allianz Partners
Les clients sont méfiants vis-à-vis de leur banque ou de leur assurance. La confiance a été perdue par manque de transparence concernant les coûts, ou encore la clause d’un contrat. Il y a donc un effort à déployer pour retisser ce lien de confiance. L’enjeu est de “redonner du sens à la relation client”. Auparavant, une relation client se faisait dans les termes et conditions des contrats. Or, aujourd’hui, les clients ont besoin de savoir en un clic s’ils sont couverts ou non. La technologie, avec l’intelligence artificielle et les smart contracts notamment, permet de simplifier la relation client en rendant compréhensibles les informations du contrat. Pour notre invitée d’honneur, “l’obsession client passe par la transparence”. Tous les petits services à forte rentabilité, qui n'étaient pas à forte valeur pour le client, laissent place à des services utiles, qui recréent un climat de confiance. C’est ici la force des néobanques et néoassurances. “Le consommateur n’a pas envie d’acheter un produit où il se dira que la valeur du produit c’est juste de l’avoir.” Par exemple, avoir une assurance auto ou avoir un compte bancaire sont des services contraints. Pour ce type de service, l’enjeu est donc de créer une différenciation grâce à la transparence. Le client sait alors pour quoi il paie. Il n’y a pas de frais cachés et cela permet de retisser une relation de confiance avec le client. En bref, la technologie permet un empowerment du client.
La solution doit répondre à un besoin qui n’existe pas encore. C’est par exemple l’exploit réalisé par la licorne française Blablacar. Pour les banques et assurances, la solution ne doit pas permettre au client d’interagir uniquement avec son banquier/assureur, mais plutôt de disposer de plusieurs services proposés par les partenaires de son banquier/assureur. Ensuite, la solution doit être testée dans une dynamique de test & learn. Les équipes doivent ainsi “faire preuve de résilience et être capables d’adapter l’offre”. Il y a un challenge pour faire évoluer le produit aussi vite que les envies du client, l’évolution du marché, et les nouvelles tendances. Comment être premier sur le marché et avoir cette patience de rentabilité sur le long terme ? Les banques et assurances doivent impérativement trouver le bon dosage entre un élargissement de la base de clients et l’obtention de bons niveaux de produits, qui ne vont pas nécessairement permettre une rentabilité, mais plutôt construire un lien de confiance. Enfin, elles doivent adopter une approche d’apprentissage, en sollicitant des technologies extérieures, ou en déployant des laboratoires en interne pour tester les solutions et les intégrer progressivement dans les métiers. Une équipe innovation efficace doit être constituée de maximum 10 personnes. L’enjeu pour ces équipes est alors de tester des technologies simples pour prouver qu’elles fonctionnent et qu’il est pertinent de débloquer un budget dédié.
“La banque ou l’assurance de demain saura considérer un client, non pas comme un numéro ou un contrat, mais pour ce qu’il est. Tout en ayant conscience qu’une banque ou une assurance ne peut pas faire de l'hyper-personnalisation, on peut imaginer qu’elle positionnera, avec les données qu’elle a, les bons messages au bon moment et qu’elle aura cette relation émotionnelle avec son client. L’enjeu est de créer une réhumanisation de notre métier puisqu’on a, ces dernières années, investi dans les technologies en créant de la distance avec le client. Il faudra utiliser ces technologies pour redonner du sens à la relation client sur le long terme.”
Lydie Hippon-Darde, Global Head of New models and Strategic Marketing & Innovation chez Allianz Partners