Au cours de l’année 2023, les redressements judiciaires d'enseignes iconiques des centres-villes français, telles que Kookaï ou Pimkie, ont rythmé l’actualité économique des derniers mois, tandis que d’autres ont également fait face à des procédures de liquidation. C’est le cas de Camaïeu ou encore San Marina …. En ce début d’année, les dirigeants de l'industrie de la mode partagent un sentiment d'incertitude. Influencé par des perspectives de croissance économique peu encourageantes, une inflation persistante et une faible confiance des consommateurs, cette nouvelle année présente un contexte peu rassurant pour les acteurs du marché de la mode.
Alors que la fast fashion s'engage dans une course effrénée, un phénomène intéressant se dessine : selon une étude de l'APUR, la capitale a vu apparaître plus de 67 nouvelles friperies en 2023, reflétant un intérêt croissant pour la seconde main. Cette tendance vers une consommation plus responsable s'aligne également avec la montée en puissance de la seconde main en ligne, illustrée par le succès de plateformes telles que Vinted. Dans ce contexte, comment se positionnent les entreprises de l'habillement ?
Dans un contexte inflationniste, les consommateurs détournent leur regard de la mode
“Nous assistons à des arbitrages dans la consommation, qui ne se font pas en faveur de la mode. Les ménages diffèrent leurs achats de vêtements, voire y renoncent, quand se produit un choc économique. Les prix des habits ont augmenté, mais sans commune mesure avec ceux de l’alimentaire ou de l’énergie ”, déclare Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM). C'est avant tout, l'augmentation des prix d'autres biens et services qui exerce une pression sur le budget des français, limitant ainsi leur dépense en vêtements.
Le marché traditionnel de la mode face à de nouveaux défis : promotions, renouvellement des collections et fast fashion
Le marché du prêt-à-porter connaît une perte de clientèle depuis plus d'un an, incitant les enseignes à recourir régulièrement à des promotions quasi permanentes, dans une tentative d'écouler les stocks. En effet, d’après l'étude menée par Oney & lesBigBoss en partenariat avec l’institut YouGov, sur les marchands face à l’inflation, 44% des consommateurs affirment accorder une attention plus prononcée aux promotions. Cette tendance est suivie de près par une accélération du renouvellement des collections. Et l’arrivée des nouveaux acteurs du e-commerce vient davantage compliquer la situation pour les enseignes de prêt-à-porter traditionnelles. En effet, l’émergence de la de la fast fashion a révolutionné l'industrie de la mode, introduisant un changement radical dans la manière dont les consommateurs perçoivent et acquièrent leurs vêtements. D’après l’institut allemande Statista, la fast fashion pèse plus de 106 milliards de dollars dans le monde en 2023 et devrait représenter plus de 130 milliards de dollars d’ici 2026. Ce phénomène, caractérisé par la surproduction de collections à des prix dérisoires a conquis un large public en offrant une constante nouveauté, des prix extrêmement concurrentiels et une accessibilité instantanée aux dernières tendances. Un exemple frappant est celui de Shein : son succès fulgurant en France témoigne de sa capacité à captiver les consommateurs grâce à une offre constamment renouvelée et des prix abordables. Si la fast fashion représente un concurrent féroce pour les autres marques du prêt-à-porter, elle est également souvent critiquée en raison de son incitation à la surconsommation, son utilisation excessive des ressources naturelles et sa pollution environnementale accrue.
La seconde main s’impose comme une alternative face à la fast fashion
Pour faire face à l’inflation, sans céder au modèle de la fast fashion, nombreux sont les consommateurs à se tourner vers une alternative plus durable et à opter pour la seconde main. La popularité croissante des friperies et des plateformes de vente de seconde main témoigne de cette évolution. D’après la BPI, en décembre 2023, 52 % des Français qui n'avaient jamais acheté de produits d'occasion envisagent désormais de le faire. En optant pour des pièces déjà portées, les acheteurs contribuent à prolonger la durée de vie des vêtements, ainsi cette démarche s’inscrit dans une volonté de réduire l’impact environnemental de l’industrie de la mode. Le marché de l'occasion semble désormais nettement s’imposer dans les habitudes quotidiennes des consommateurs. Selon le dernier rapport de ThredUP, en collaboration avec le cabinet d'analyse GlobalData, le marché mondial de la mode d'occasion devrait doubler d’ici 2027 pour atteindre les 350 milliards de dollars. Cette tendance est particulièrement portée par les jeunes consommateurs, la génération Z dont les décisions d’achat sont aujourd’hui motivées par le prix et l’impact écologique. « Avec plus de la moitié des membres de la génération Z affirmant qu’ils sont plus susceptibles d’acheter chez une marque qui propose des produits d’occasion aux côtés de produits neufs, la revente devient un enjeu majeur pour les détaillants », affirme Anthony Marino, président de Thredup, à Vogue Business.
Les marques prennent de plus en plus en compte ces nouveaux défis
Les marques l’ont bien compris : il y a une prise de conscience de la part des consommateurs et même des collaborateurs quant aux enjeux environnementaux, qu’elles ne peuvent pas ignorer. Il est important de ne pas louper ce tournant en particulier dans le secteur de la mode, susceptible de subir les nouveaux arbitrages induits par l’inflation. Pour relever ces nouveaux défis, les grandes marques de mode proposent donc, de plus en plus des produits de seconde main en complément de leur collection de produits neufs. Sandro, The Kooples, Eram…nombreuses sont les marques ayant ajouté une rubrique “seconde main” à leur e-shop pour permettre aux consommateurs de vendre ou d’acheter des pièces d’occasion. C’est une manière de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, tout en renforçant le cycle de vie de ses produits, de renforcer sa stratégie de diversification et d'augmenter son taux de trafic en ligne et en magasin.