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« Data driven », « data centric »« Cloud first », . Tels sont les maîtres mots qui définissent la stratégie de Société Générale. Cette quête de maturité digitale constitue pour le groupe la clé pour se différencier de la concurrence… tout en respectant l’éthique. Explications avec Christina Poirson, chief data officer du groupe bancaire.


Société Générale souhaite être une banque « data driven ». Qu’est-ce que ça signifie ?

Par essence, la banque est data. C’est dans notre ADN. Depuis notre première agence en 1864, nous rassemblons les informations de nos clients avec leur consentement. Nous avons besoin de les connaître. De manière plus concrète, nous avons détaillé notre stratégie data driven lors de notre Techweek fin novembre dernier. L'exploitation des données comme composante clé de la transformation digitale est au cœur de notre stratégie depuis 2014. Être une banque data driven ne se fait pas en un jour et nécessite la construction d’un véritable socle technologique. Il faut donc bâtir un patrimoine de données, optimiser leur qualité, les rendre accessibles et les utiliser de manière collaborative. Il faut aussi maîtriser nos chaînes de valeur pour partager et utiliser des indicateurs en temps réel qui aideront à la prise de décisions. Enfin, il nous faut recourir au potentiel des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle (IA) pour être capable de proposer à nos clients une expérience plus personnalisée. C’est cette approche globale qui nous permettra de nous différencier en tant que banquier. Nous cherchons à développer avant tout une IA qui travaille avec nos collaborateurs et nos clients.


Plus concrètement, que permet l’usage de la donnée avec l’IA ?

Nous avons déployé plus de 330 cas d’usages de la donnée, dont près de 175 sont fondés sur de l’IA et qui correspondent à une valeur de 230 millions d’euros générée à fin 2021. Nous sommes vraiment sur des cas d’usage qui apportent de la valeur ! Nous avons par exemple des outils de gestion relationnelle qui permettent de proposer des produits ou de faire des propositions commerciales en fonction du profil du client et de son comportement. Nous avons aussi Filae et Defi qui sont des solutions dédiées à la lutte contre le blanchiment et à la détection de fraudes : nous pouvons par exemple détecter un paiement potentiellement anormal en moins d’une demi-seconde et le bloquer. Nous avons aussi créé des modèles de chatbot, comme Sobot, qui est proposé aux clients de la banque de détail depuis 2018 pour faciliter les interactions et accélérer les procédures. Tous ces outils, fondés sur les informations et les habitudes financières de nos clients, n’ont qu’un but précis : leur simplifier la vie.


Simplifier la vie des clients, c’est bien. Mais comment s’adaptent les centaines de milliers de salariés du groupe (133 000 collaborateurs dans le monde) face à ces nouvelles technologies ? Plus clairement, comment obtenir des salariés formés et qualifiés pour entrer dans la bataille de l’IA ? 

Le but ultime d’une stratégie data driven est d’aider les collaborateurs à prendre les bonnes décisions. C’est pour cette raison que nous avons en premier lieu formé le top management. Ces managers doivent donner l’exemple et devenir des ambassadeurs. Ils bénéficient par ailleurs d’un programme d’appropriation stratégique pour comprendre l’IA et ses implications.

Nous avons aussi plus de 1 000 experts data, avec des data scientists, des data architects, des data records managers… Il y a une forte professionnalisation du secteur et ils sont aussi là pour sensibiliser les collaborateurs sur l’importance de la donnée. Les dispositifs de formation incluent également des modules de e-learning ou encore des programmes de reskilling : en 2021, plus de 10% des postes disponibles sur la data ont pu être pourvus grâce à des collaborateurs reskillés.


S’ils sont formés à l’usage de l’IA, vos salariés peuvent aussi en bénéficier dans leur travail ?

L’IA ne sert pas uniquement à personnaliser l’expérience client. Elle a aussi pour mission d’améliorer l’efficacité opérationnelle. Par exemple, nous avons créé un outil qui automatise des tâches à faible valeur ajoutée pour permettre aux conseillers de se concentrer sur la relation client. Nous avons aussi développé des cas d’usage fondés sur de l’OCR (optical character recognition) pour scanner des contrats juridiques standards et identifier s’il y a des clauses plus compliquées. Le juriste bénéficie donc d’une aide qui va lui permettre de se concentrer sur les parties essentielles. Au final, il faut retenir que l’on ne remplace pas, on accompagne le travail pour toujours améliorer le service client. L’utilisation de l’IA est avant tout centrée sur l’humain !


Que voulez-vous dire par « centrée sur l’humain » ?

La crise sanitaire a accéléré la transformation numérique des organisations. De notre côté, nous avons pu l'affronter grâce à notre capacité à offrir des services à distance à nos clients. Force est de constater que désormais la donnée est au cœur de tout. Il nous faut la connaître, la maîtriser et la retraiter tout en respectant les règles comme la confidentialité, le secret bancaire, la propriété intellectuelle, ou le RGPD. L’enjeu - je le pense profondément - est d’être sensible à l’éthique. Cela va être la clé pour se différencier et parce que la prise de conscience de l’importance de la donnée par les utilisateurs va être majeure. Une utilisation responsable et respectueuse de la vie privée doit être garantie, ainsi que les enjeux environnementaux et la neutralité carbone.


Vous avez mis au point une stratégie « cloud first » jusqu’à horizon 2025. De quoi s’agit-il exactement ?

Quand on veut être data centric, il faut repenser l’organisation et faire évoluer l’infrastructure technologique en fonction. Ainsi, Société Générale a développé des infrastructures de gestion de données solides avec un principal lac de données hybride, mixant cloud public et privé, ainsi que des outils pour faciliter la gestion et l’usage des données tout au long de leur cycle de vie, en conformité avec la réglementation.

Plus largement, le Groupe poursuit la modernisation de ses systèmes d’information avec le cloud. Nous avons mis en place en 2018 une plateforme cloud hybride. Fin 2020, 80 % de nos serveurs étaient déjà hébergés dans le cloud. Pour bénéficier de plus d’automatisation et de sécurité, d’ici 2025, l’objectif est d’utiliser 75 % de cloud de seconde génération avec une grande part de cloud privé (50% de cloud privé et 25 % de cloud public) et la transformation de 75 % des applications pour bénéficier des services natifs du cloud.

Damien Grosset

Publié par Damien Grosset